Amatrices et professionnelles aujourd’hui : Le plafond de verre
Auteur : Nathalie Richard
Depuis 1950, la situation des femmes en sciences a évolué vers une plus grande visibilité. Mais la progression de leurs carrières et la reconnaissance de leurs travaux restent le plus souvent inférieures à celles des hommes.
La professionnalisation des femmes scientifiques s’est engagée timidement au xxe siècle, avec, par exemple, le recrutement des premières assistantes dans les observatoires astronomiques. Elle s’est poursuivie jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, à la faveur de l’ouverture réelle de l’enseignement supérieur aux femmes en 1924, lorsqu’elles ont librement accès au même baccalauréat que les hommes. Elle s’accélère avec la création du Centre national de la recherche scientifique en 1939 et avec le développement constant des universités après 1945. Ces professionnelles deviennent visibles dans les sources institutionnelles. Mais elles restent minoritaires et leurs carrières ne sont pas aussi rapides et prestigieuses que celles des hommes.
Les derniers chiffres publiés par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation indiquent que les femmes représentent aujourd’hui environ 40 % des personnels d’enseignement et de recherche dans le secteur public en France, et que ce pourcentage est en constante augmentation. Elles sont cependant moins nombreuses dans le secteur privé ; et il existe aussi de fortes disparités entre les sciences humaines et sociales, où elles sont plus représentées, et les sciences dites « dures », où elles sont parfois très peu présentes. Les statistiques ministérielles montrent surtout que les femmes sont plus nombreuses aux échelons les plus bas des professions scientifiques. Elles représentent une part majoritaire des personnels techniques d’appui à la recherche et, par exemple, 57 % du corps des ingénieurs et techniciens de recherche et de formation ; elles constituent encore 45 % du corps des maîtres de conférences, mais elles ne sont plus que 29 % au niveau des professeurs d’université. Ce retard des carrières et les difficultés d’accès aux plus hauts postes hiérarchiques signalent la persistance d’un « plafond de verre ». Ses effets sont très sensibles dans le monde de la recherche scientifique.
De même manière, les femmes sont plus nombreuses aujourd’hui dans les sociétés savantes et dans les autres structures de coordination des pratiques amatrices. Mais le « plafond de verre » joue aussi dans les associations les plus prestigieuses et les plus anciennes, où se côtoient amateurs et professionnels. Depuis sa création en 1887 et jusqu’à nos jours, la Société astronomique de France, plusieurs fois évoquée dans cette exposition, n’a élu aucune femme à sa présidence. Dans son conseil d’administration actuel, seuls six membres sur vingt-quatre sont des femmes et aucune ne siège au bureau de l’association. Il est vrai que l’astronomie représente l’une de ces sciences dites « dures » où les femmes sont moins nombreuses. Mais la situation est assez similaire au sein de la Société préhistorique de France, l’une des plus anciennes sociétés savantes françaises dédiées à l’archéologie, fondée en 1904. Durant son premier siècle d’existence, la société n’a été présidée que sept fois par une femme, et pour la première fois en 1949 par la paléontologue Henriette Alimen. Au conseil d’administration actuel, les femmes occupent sept des vingt-trois sièges.
Entre autocensure et plafond de verre, il reste de nombreux obstacles à l’égalité d’accès des femmes et des hommes à la pratique des sciences, professionnelles ou amatrices.
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