11- Les impiraresse aujourd’hui
Autrice : Louise Bonvalet
L’art des impiraresse n’a pas disparu à Venise, et des femmes y enfilent encore des perles pour créer des œuvres d’art. Nous en avons rencontré deux : Luisa Conventi et Marisa Convento.
Luisa Conventi et le musée des impiraresse
Luisa Conventi exerce la profession d’impiraresse depuis 1987 à Venise et tient son atelier dans la Calle Priuli dei Cavalletti. Elle n’entendait pas forcément se lancer dans l’aventure de l’enfilage et de l’assemblage de perles, mais elle avait déjà travaillé avec son oncle et son père, de l’entreprise de conterie Ferenaz. En effet, elle accompagnait son oncle sur les différents marchés et foires pour y vendre les conterie de l’entreprise. Après différents travaux, elle a décidé de continuer la tradition familiale des perles, mais cette fois-ci en les utilisant pour créer ses propres œuvres.
L’essentiel de sa formation comme enfileuse de perles s’est faite en famille, en regardant son oncle travailler. Mais ce sont également ses employées – toutes des femmes – au cours du temps qui lui ont enseigné de nouvelles techniques. C’est grâce à tous ces échanges de techniques et de savoir-faire qu’elle a pu développer son art.
Son travail a pris un tournant en 2020 : elle a décidé de réduire la taille de son activité pour se concentrer sur ses créations. En ce qui concerne le matériel qu’elle utilise, la grande majorité des conterie provient en réalité de l’ancienne production de son oncle. Son stock est donc composé principalement de perles de Murano.
Elle possède également quelques perles provenant de la République tchèque, le verre de Bohème étant réputé pour sa qualité. Les conterie produites à Venise lors du siècle passé sont si nombreuses que les stocks peuvent être utilisés encore pendant des années par les impiraresse.
C’est donc avec ces perles que Luisa Conventi crée avec différentes techniques. Grace aux châssis, elle peut ainsi produire des franges et des tapisseries de perles.
Elle produit également des bijoux, des colliers, des bracelets, des bagues, des boucles d’oreilles…
Luisa Conventi est également devenue une chercheuse : elle a réussi à récolter et assembler au fil des années un matériel abondant pour en faire les collections d’un musée. En effet, on trouve dans son atelier un musée à visiter (la visite dure 1h à 1h30) sur les impiraresse vénitiennes. Grace à un travail précis de récupération de différents types de matériel : photos, perles de présentations=, affiches et travaux des anciennes usines de conterie, Luisa Conventi a réussi à redonner du dynamisme à l’histoire des impiraresse vénitiennes mais aussi des conterie de la ville, y compris celle de son oncle.
Marisa Convento et le Comitato per la Salvaguardia dell'Arte delle Perle di Vetro
L’autre impiraressa que nous avons rencontrée raconte son histoire, bien différente, qui pourtant rejoint celle de Luisa Conventi dans la passion des perles. Marisa Convento n’est pas originaire de Venise et sa famille n’est pas spécialisée dans les conterie. Mais tombée amoureuse de l’art des perles, elle a décidé à son tour de se lancer dans la confection de parures diverses et variées.
Marisa Convento met un point d’honneur à utiliser des techniques anciennes dans son travail : elle utilise la même manière de procéder que les impiraresse du XXe siècle.
Pour ce faire, elle s’est formée. Or, dans l’artisanat spécialisé, il est parfois difficile de recevoir un enseignement de la part des spécialistes, chaque artisan protégeant son travail. Comme elle le souligne elle-même, partager des informations sur son savoir-faire, « c’est comme céder une partie de soi ». Malgré cela, Marisa Convento ne s’est pas découragée, et a appris petit à petit à créer des pièces uniques. Elle a ensuite été l’une des premières dans la ville à proposer des formations pour enseigner les techniques et l’art des impiraresse.
Marisa Convento essaie de se fournir uniquement avec les conterie vénitiennes. En effet, il reste dans les dépôts des usines de Murano des perles fabriquées de la fin du XIXe siècle aux années 1970 et 1980. Même si aujourd’hui on ne fabrique plus de conterie à Venise, les quantités restées dans les dépôts sont telles que les impiraresse ont encore du stock pour leurs œuvres. D’après Marisa Convento, il pourrait s’agir de tonnes de perles.
Marisa Convento a réussi à retrouver et récupérer les instruments traditionnels des enfileuses : elle utilise un fil en métal particulier, une sessola et des pinzette.
Elle préside le Comité italien pour la sauvegarde de l’art des perles en verre vénitiennes (Comitato per la salvaguardia dell’arte delle perle di vetro veneziane), entité ayant fait la démarche pour que l’art des perles en verre soit reconnu comme patrimoine UNESCO, avec l’Association des Perliers d’Art de France avec leur candidature déposée en mars 2019. Avec ce comité, elle organise différents types d’événements dédiés à la fois au grand public, pour faire connaitre l’art, mais aussi adressés aux artisans et artisanes, dans le but de valoriser leur travail. Le comité décerne annuellement le prix Rosetta à une ou plusieurs personnes qui se sont distinguées dans la promotion, la diffusion ou la transmission de l'art de la perle de verre dans tous les domaines culturels. En plus de ce prix, le comité, toujours en collaboration avec l’Association des Perliers d’Art de France et l’International Society of Glass Beadmakers, propose un concours international de création de perles en verre.
Ces deux professionnelles sont l’exemple de la volonté de redynamiser le secteur des perles en verre à Venise, avec toujours un œil ouvert à l’international et tourné vers le futur.
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