Présentation - Jeanne Bucher : s'émanciper par les voies de l'art contemporain

Autrices : Véronique Chagnon-Burke, PhD, co-fondatrice de WADDA [Women Art Dealers Digital Archives]

     Sylvie Tersen-Zajtman, conservatrice honoraire du patrimoine

André Rogi, Jeanne Bucher, c.1945 droits réservés courtesy Galerie Jeanne Bucher Jaeger, Paris Lisbonne

Ce portrait de Jeanne Bucher (1872-1946) capturé par la photographe hongroise André Rogi (1900-1970) en 1945, est l’une des dernières images que nous conservons de la Grande prêtresse de l’art d’avant-garde comme aimait la nommer sa petite fille, la danseuse chorégraphe Muriel Jaër. 

Derrière un regard noir et un air austère se cache une femme moderne, libérée et hors des conventions sociales, s’accordant à  rouler ses cigarettes en public. Une femme entreprenante qui, comme le souligne le tableau exposé derrière elle,  est entrée en peinture comme en religion par vocation en ouvrant une première galerie d’art en 1925, à plus de cinquante ans. 

Sa volonté, son audace lui ont permis de braver les interdits. Sa culture, sa connaissance des langues étrangères, sa curiosité, ses réseaux tant artistiques que féministes lui ont été nécessaires pour s’affirmer dans le monde encore très masculin du marché de l’art. La justesse de son jugement et son peu d’intérêt à faire de l’argent lui valurent le privilège  d’exposer pour leur première fois de jeunes artistes tels Nicolas de Staël (1914-1955)  Vieira da Silva (1908-1992)  ou encore l’artiste américain Mark Tobey (1890-1976) qu’elle découvre lors d’un séjour aux Etats Unis. 

Cette exposition présente le parcours hors norme d’une jeune fille solitaire, née en Alsace au lendemain de son annexion par l’Allemagne, d’une épouse résignée, mère de deux filles, d’une femme divorcée quittant la Suisse pour s’installer dans le Paris des années Folles afin de s’occuper d’art, sa profonde raison d’être comme elle aimait à le dire. 

Véronique Bucher-Jaeger, son arrière-petite-fille, dirige aujourd’hui la galerie Bucher Jaeger. Qu’elle soit ici remerciée pour nous avoir ouvert les archives familiales. 

 

Les photos, les extraits de lettres, du journal intime de Jeanne Bucher, et autres documents d’archives, tel les cartons d’invitation au vernissage des expositions viennent des fonds d’archives de la galerie Jeanne Bucher Jaeger. La galerie a fait don d’un certain nombre de documents à la Bibliothèque Kandinsky, Centre de recherche du Musée d’art moderne, ce sont les seuls documents accessibles au public